Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/317

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d’excellent vin pur, parce que j’étois fort en sueur à force de menuets et de contredanses, avec un habit très pesant. Le roi et la reine d’Espagne et le prince des Asturies furent fort sur le bal et y parurent prendre grand plaisir. Ce même soir et le lendemain je fis illuminer toute ma maison, dedans et dehors, n’ayant pas eu un moment de loisir d’y donner aucune fête, au milieu de tant de fonctions si précipitées et si fort entassées les unes sur les autres.

Ce ne fut pas sans un grand plaisir que je fis, le mercredi 26 au matin, lendemain de la signature, les dépêches que je devois envoyer après mon audience de remercîment qui devoit terminer cette même matinée, par lesquelles je rendois compte de tout ce qui s’étoit passé par un courrier qui ne put être dépêché que le [sur] lendemain 28 novembre. J’étois aisément parvenu à éluder les commissaires et à faire signer par Leurs Majestés Catholiques elles-mêmes, contre tout usage et exemple, non seulement un instrument du contrat du futur mariage du roi et de l’infante, mais deux instruments dont j’envoyai un au roi signé de leur main par ce courrier, ce qui étoit bien plus qu’il ne m’avoit été demandé, puisque le cardinal Dubois se contentoit d’une simple copie signée du seul secrétaire d’État. J’avois fait passer l’entreprise de M. le duc d’Orléans sur le prince des Asturies sans aucune difficulté et lui avois renvoyé sa lettre à ce prince où la qualité de frère étoit omise. Les témoins du mariage, je ne les admis qu’à condition qu’ils ne paroîtroient tels que dans un acte séparé, signé du seul secrétaire d’État, et qu’eux ne signeroient quoi que ce fût. J’étois sorti du piége qui m’avoit été si bien tendu sur l’instrument du contrat en françois, tellement à mon avantage, que l’infamie en sauta aux yeux de Leurs Majestés Catholiques et de tout ce qu’il y avoit de plus illustre en Espagne rassemblé dans la cérémonie de la signature, et que Leurs Majestés Catholiques voulurent bien me promettre de signer un instrument en françois si je persévérois à le désirer. Enfin, la joie du sujet