Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/333

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la grandesse que je désirois et sa volonté de m’y servir efficacement.

Je ne dissimulerai pas que cette lettre me fit un peu rire. Je l’en remerciai par ma réponse, en lui laissant toutefois très -poliment apercevoir que j’y avois remarqué quelque embarras sur mon compte, et cet embarras n’étoit pas mal fondé. Au demeurant le désir de former une seconde branche étoit le seul motif qui m’avoit conduit. Je ne pouvois espérer d’y réussir que par l’ambassade, et jamais par l’échange, qui n’étoit que la suite et l’effet de la demande de l’infante et de la signature de son contrat de mariage avec le roi. Bien est vrai que j’aurois pu être chargé aussi de l’échange ; mais ce dernier emploi ne me conduisoit à rien, et il a été toujours d’usage de nommer deux personnes, l’une pour l’ambassade, l’autre pour recevoir la princesse à la frontière et la conduire à la cour. Ainsi le choix du prince de Rohan ne me fit aucune peine, parce que j’avois l’emploi unique par lequel je pouvois arriver à ce que je m’étois proposé.

Mais quoique je n’en eusse aucune jalousie, je crus devoir prendre à cet égard les mêmes précautions que ma dignité de duc et pair de France m’auroit inspirées indépendamment de tout autre caractère, si je m’en étois trouvé à portée comme j’y étois en effet sur les lieux. Le marquis de Santa Cruz, ancien grand d’Espagne de Philippe II et de grande maison, majordome-major de la reine, fut chargé de l’échange des princesses de la part du roi d’Espagne avec le prince de Rohan ; l’acte de l’échange devoit être chargé de leurs noms, de leurs titres, de leurs qualités. Je compris bien que le seigneur breton voudroit y faire le prince, et qu’il falloit exciter sur cela et punto [1] du seigneur espagnol. Quoique celui-ci n’aimât point les François, je m’étois mis fort bien avec lui, et je m’étois attaché à y réussir, parce

  1. Le point d’honneur.