Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/340

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quoique venant de la part d’un fils de France, et que lui pouvoit encore moins prétendre venant de la part d’un petit-fils de France. La Fare me répondit que ce petit-fils de France étoit régent ; que cette qualité changeoit tout ; que de plus la conjoncture étoit heureuse et qu’il falloit en profiter.

Je répliquai que la qualité de régent ne changeoit rien au rang et à l’état personnel de petit-fils de France à l’égard de M. le duc d’Orléans, qu’il le voyoit tous les jours en France et en étoit témoin qu’il en étoit de même dans les pays étrangers, de pas un desquels il n’avoit prétendu quoi que ce pût être de nouveau à titre de régent ; qu’à la vérité la conjoncture étoit heureuse, mais qu’il ne la falloit pas forcer et s’attirer un refus qui changeroit en dégoût et ensuite en éloignement la réunion qui faisoit la joie publique des deux nations et la gloire personnelle de M. le duc d’Orléans, et sûrement la jalousie des autres princes qui sauroient bien nourrir, se réjouir et profiter d’un mécontentement de cérémonial ; qu’il ne pouvoit pas douter qu’étant depuis toute ma vie ce que j’étois à M. le duc d’Orléans, et lui devant l’ambassade où j’étois, je ne fusse ravi d’en profiter pour lui procurer toute sorte de grandeur ; mais que dans ce même emploi, où je me trouvois par son choix, les désirs devoient, quant aux démarches, être bornés par les règles, et que ce seroit fort préjudicier à cette même grandeur que de la commettre par des prétentions qui n’avoient pas été conçues jusqu’à ce moment en aucun lieu, et s’exposer à un refus qui, outre son extrême désagrément, changeroit aisément en dégoût, en froideurs, en éloignement le fruit d’une réunion qui se pouvoit dire le chef-d’œuvre de l’adresse et de la capacité de la politique après les choses passées ; et le sceau le plus solide de la grandeur réelle de M. le duc d’Orléans en tout genre, par le mariage de sa fille, avec le prince des Asturies. J’ajoutai que M. le duc d’Orléans ni le cardinal Dubois ne m’avoient jamais dit un mot de cette prétention,