Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/81

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s’y présenteroient volontiers dans la crainte que le parlement de retour prétendit invalider tout ce qui y auroit été instruit et jugé. Néanmoins, peu à peu les affaires s’y portèrent. Le parlement de retour consentit à cette juridiction extraordinaire, pour un temps, parce qu’il sentit qu’il étoit si chargé et si arriéré de procès, à force de s’être abandonné aux affaires publiques et à ne rien faire à Pontoise, qu’il étoit indispensable d’y pourvoir autrement. Ce nouveau tribunal, qui dura assez longtemps, se rendit recommandable par son équité, son travail et son expédition ; il vida tout ce qui y fut porté, et Armenonville en particulier s’y acquit beaucoup d’honneur.

Vers le milieu du séjour du parlement à Pontoise, travaillant, une après-dînée, seul avec M. le duc d’Orléans, il m’apprit que le premier président lui avoit demandé son agrément pour le mariage de sa fille aînée arrêté avec le duc de Lorges. Ma surprise et ma colère me firent lever brusquement et jeter mon tabouret à l’autre bout du petit cabinet d’hiver où nous étions. Il n’y avoit sorte de plaisirs essentiels que je n’eusse faits toute ma vie à ce beau-frère, non pour l’amour de lui, car je le connoissois bien, mais par rapport à Mme de Saint-Simon. On a vu en son lieu que je l’avois fait capitaine des gardes et ce qu’il m’en arriva, et comme j’obtins pour rien un régiment pour son fils aîné à qui il n’en eût jamais acheté, et combien peu il en fut touché. J’ajouterai ici qu’à la mort de M. le maréchal de Lorges, je lui quittai près de dix mille écus qui, sans dispute ni difficulté, revenoient à Mme de Saint-Simon, sur le brevet de retenue de la charge de capitaine des gardes qu’eut le maréchal d’Harcourt ; et malgré une conduite étrange et misérable, j’avois toujours très bien vécu avec lui. Je n’avois donc garde de m’attendre qu’il choisît la fille d’un homme que je traitois en ennemi déclaré, à qui je refusois publiquement le salut, duquel je parlois sans aucune mesure et à qui je faisois des insultes publiques tout autant