Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/84

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

revint encore sur ce que j’avois déclaré que je ne voulois point voir son gendre. C’étoit lui pourtant qu’il falloit que je revisse pour essuyer les larmes de Mme de Saint-Simon ; et enfin j’y consentis. Il vint chez moi, conduit par elle. Je le reçus fort mal, quoique le moins mal que je pus gagner sur moi. J’allai après chez le premier président qui me reçut avec des empressements et des civilités extrêmes. Il n’épargna ni le terme de respect ni celui de reconnoissance ; en un mot, il continua d’oublier sa morgue, et se répandit en bien dire.

Mme de Lorges et sa sœur étoient venues chez moi, menées par Mme de Lauzun, dès que j’eus vu la duchesse de Lorges à l’hôtel de Lauzun ; puis peu à peu j’allai voir la sœur, le frère et la belle-mère du premier président. Il désira avec grande ardeur donner une espèce de repas de noce où je voulusse bien être avec Mme de Saint-Simon, qu’il avoit visitée dans son appartement toutes les fois, et dès la première qu’il étoit venu chez moi, et mes enfants aussi ; enfin j’y consentis encore ; le repas fut excellent et magnifique, et accompagné, de la part du premier président et des siens, de tout ce qui me pouvoit plaire en façons et en discours. De l’un à l’autre on se laisse conduire à tout. Mme de Saint-Simon désira si fort que nous leur donnassions un repas aussi comme de noce, qu’il fallut bien y consentir. Le premier président ne l’osoit espérer, et en parut transporté de joie. Il fut des mêmes personnes qui avoient été de celui du premier président, et je m’y donnai la torture pour y faire médiocrement bien. Ainsi finit la division atroce qui me séparoit du premier président, avec tant d’éclat si continuellement soutenu depuis l’affaire du bonnet, et que ce mariage avoit comblée de nouveau. Dans la suite le premier président vint de temps en temps chez moi, puis plus souvent, moi quelquefois chez lui, jusqu’à la fin de sa vie ; on peut croire qu’il n’y eut que de la civilité et que la conversation n’étoit pas intéressante. Mais pour Mme de Fontenilles