Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/87

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’Orléans pour être envoyé du roi en Espagne ; néanmoins il le fut. On lui joignit, mais sans titre, une espèce de financier marchand qui s’appeloit Robin, pour les affaires du commerce. On verra dans la suite si j’ai le temps d’écrire mon ambassade en Espagne, qu’il lui en auroit fallu encore un autre pour la négociation.

La maladie du pape, qu’on crut trop tôt désespérée, attira l’ordre à nos cardinaux de se préparer diligemment à partir, et le retour du cardinal de Polignac de son abbaye d’Anchin en Flandre, où on a vu qu’il étoit exilé. L’alarme cessée suspendit leur départ, et le cardinal de Polignac eut permission de saluer le roi et M. le duc d’Orléans, et de demeurer à Paris en attendant des nouvelles de Rome plus pressantes.

L’année finit par le départ subit et secret de Law, qui n’avoit plus de ressources, et qu’il fallut enfin sacrifier au public. On ne le sut que parce que le fils aîné d’Argenson, intendant à Maubeuge, eut la bêtise de l’arrêter [1]. Le courrier qu’il envoya pour en donner avis lui fut redépêché sur-le-champ avec une forte réprimande de n’avoir pas déféré aux passeports que M. le duc d’Orléans lui avoit fait expédier. Son fils étoit avec lui ; ils allèrent à Bruxelles, où le marquis de Prié, gouverneur des Pays-Bas impériaux, le reçut très bien, et le régala ; il s’y arrêta peu, gagna Liège et l’Allemagne, où il alla offrir ses talents à quelques princes qui tous le remercièrent. Après avoir ainsi rôdé, il passa par le Tyrol, vit quelques cours d’Italie, dont pas une ne l’arrêta, et enfin se retira à Venise, où cette république n’en fit aucun usage. Sa femme et sa fille le suivirent quelque temps après ; je n’ai point su ce qu’elles sont devenues, ni même son fils. Law étoit Écossois, fort douteusement gentilhomme,

  1. Le marquis d’Argenson parle de ce fait dans ses Mémoires (édit. de 1825, p. 179) : « J’étais intendant de Valenciennes ; je fis grand’peur à Law comme il traversait mon intendance pour fuir à l’étranger. Je le fis arrêter et le retins deux fois vingt-quatre heures à Valenciennes, ne le laissant partir que sur des ordres formels que je reçus de la cour. »