Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/158

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et prétendit s’en être bien trouvé en Hollande et à Utrecht, où néanmoins il n’osoit fréquenter nos ambassadeurs, mais se fourroit chez les ministres des autres puissances, en subalterne tout à fait, mais dont il savoit tirer des lumières par leurs bureaux, où il se familiarisoit, en leur en laissant tirer de lui qu’il leur présentoit comme des hameçons.

Son frère n’en savoit pas moins que lui ; mais son humeur naturellement haute et rustre le rendoit moins souple, moins ployant, moins propre à s’insinuer et à abuser longtemps de suite. Toutefois ils s’entendoient et s’aidoient merveilleusement. Ces manèges obscurs, hors de France et tout à fait à l’insu du feu roi, durèrent jusqu’à sa mort. Elle leur donna bientôt la hardiesse de revenir en France, où trouvant Torcy hors de place et seulement conservant les postes et une place dans le conseil de récence, ils continuèrent à lui faire leur cour pour s’en faire un patron dans le cabinet du régent, avec qui le secret des postes le tenoit dans un commerce important et intime, mais un patron qui ne pouvoit que les aider. Ils n’osaient pourtant se produire au grand jour, mais ils frappoient doucement à plusieurs portes pour essayer où ils pourroient entrer.

Comme ils avoient le nez bon, ils avisèrent bientôt que l’abbé Dubois seroit leur vrai fait, s’ils se pouvoient insinuer auprès de lui, et que, fait comme il étoit et comme étoit aussi M. le duc d’Orléans, il y auroit bien du malheur si l’espèce de disgrâce où il étoit lors ne se changeoit bientôt en une confiance qui le mèneroit loin, et dont eux-mêmes pourroient profiter ; ils cherchèrent donc par où l’approcher. La fréquentation qu’ils avoient eue en Hollande avec les Anglois les introduisit auprès de Stairs ; ils y firent leur cour à Rémond qui n’en bougeoit. Il faut se souvenir de ce qui a été expliqué ici des premiers temps de la régence, des liaisons, des vues et des manèges de l’abbé Dubois pour se raccrocher auprès de son maître et s’ouvrir un chemin à ce qu’il devint depuis. Rémond, peu accoutumé aux applaudissements