Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/168

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P. Daubenton, entroit chez lui par une porte de derrière, [et] en sortoit bien avant dans la nuit. Le confesseur étoit étroitement uni avec Miraval, gouverneur du conseil de Castille. Le lien de cette union étoit qu’Aubenton faisoit, depuis quelque temps, renvoyer toutes les affaires par le roi d’Espagne aux consultes, c’est-à-dire aux conseils et aux tribunaux, en quoi le confesseur trouvoit parfaitement son compte, parce que tout étoit à la cour d’Espagne affaire de conscience, et que, sur le renvoi ou la réponse des différentes consultes que le roi lui renvoyoit toujours, la vraie décision en demeuroit au jésuite tout seul, qu’il montroit comme sienne à qui elle étoit favorable, et comme venant des conseils et des tribunaux à qui elle étoit contraire. D’un autre côté Miraval étoit dans la liaison la plus intime avec le duc de Popoli jusque-là que, contre la dignité de sa place de gouverneur du conseil de Castille, inviolablement conservée jusqu’alors, et dont Miraval étoit lui-même fort jaloux, il alloit souvent chez le duc de Popoli au palais, et demeuroit fort longtemps tête à tête avec lui dans sa chambre.

De tous les Italiens Popoli étoit le plus dangereux par son esprit et par sa haine pour la France. Il étoit l’âme de la cabale italienne qui se réunissoit toute à lui, laquelle détestoit la France et l’union. Cellamare, qui portoit le nom de duc de Giovenazzo depuis la mort de son père, étoit revenu deux jours avant mon arrivée de Galice, où il commandoit, sans apparence d’y retourner, ni qu’on y renvoyât personne en sa place, et faisoit sa charge de grand écuyer de la reine, avec qui il étoit fort bien. Le prince Pio étoit aussi de retour de Catalogne où il commandoit, et préféroit à ce bel emploi la charge, sans fonctions, de grand écuyer de la princesse des Asturies, qui n’avoit point d’écurie, servie par celles de Leurs Majestés. Tout cela montroit qu’on rassembloit à Madrid les principaux seigneurs italiens pour les consulter sur les affaires d’Italie, comme le duc de Popoli le fut sur l’entreprise