Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/187

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à la veille de mon départ, que je le trouvai tout tard qui m’attendoit à mon carrosse, dans la cour du Retiro, où il me demanda une dernière audience, et quoi que je pusse faire m’y promena près de deux heures.

Si j’eus le bonheur de réussir en ces deux affaires, j’eus le malheur d’échouer en deux autres, dont la seconde surtout ne me tenoit pas moins au cœur qu’avoit fait la grandesse de mon second fils, seule cause de mon voyage en Espagne, et d’en avoir désiré et obtenu l’ambassade.

Sur la première il faut se souvenir que lorsque le cardinal Dubois embarqua M. le duc d’Orléans à faire si follement la guerre à l’Espagne pour faire sa cour aux Anglois, et obtenir son chapeau, le duc de Berwick accepta sans balancer le commandement de l’armée de Guipuscoa, prit des places et brûla la marine d’Espagne au Ferrol, qui étoit le grand objet des Anglois, ce que le roi d’Espagne, qui l’avoit comblé lui et son fils acné de bienfaits, ne put jamais lui pardonner. C’étoit ce pardon que le cardinal Dubois avoit extraordinairement à cœur pour la même raison, qui m’étoit lors cachée, dont j’ai parlé de même sur autre chose, il n’y a pas longtemps. Par conséquent M. le duc d’Orléans, qui n’y entendoit pas finesse, désiroit aussi ce pardon, et l’un et l’autre me l’avoient très particulièrement recommandé, et m’en avoient écrit en Espagne depuis le plus fortement du monde. Le duc de Liria, qui le souhaitoit ardemment avec grande raison, me pressoit aussi là-dessus, tellement que j’en parlai à Grimaldo. Ce ministre me dit que je ne pouvois parler de cette affaire à personne qui l’eût plus à cœur que lui, par son ancien et véritable attachement pour le duc de Berwick, et pour la fidèle amitié qui étoit entre le duc de Liria et lui, mais que je ne devois point me tromper sur cet article ; que le roi et la reine n’avoient encore rien rabattu de leur première indignation ; qu’il leur en échappoit de temps en temps des marques fort vives et telles que lui, qui les connoissoit, se garderoit bien de toucher cette corde auprès