Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/243

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recevoir que par une dispense du pape. Maulevrier, avare, qui vit que cette dispense lui coûteroit de l’argent et du temps, se récria contre cette chicane. Il allégua le grand nombre de chevaliers du Saint-Esprit, et qui étoient aussi chevaliers de Saint-Louis, à quoi on n’avoit point objecté cette difficulté pour recevoir la Toison. Il leur présenta même, dans la propre espèce dans laquelle il se trouvoit, l’exemple de MM. de Brancas et d’Asfeld, commandeurs de l’ordre de Saint-Louis, comme il l’étoit, à qui on n’avoit point proposé cette chicane. L’exemple étoit existant et péremptoire. Les Espagnols dirent que, si on s’étoit trompé à leur égard, ce n’étoit pas une raison de continuer cette erreur, et ne se cachèrent pas en même temps que ce n’étoit qu’une invention pour lui faire de la peine. Il se plaignit, il cria, il s’adressa au roi d’Espagne, il n’en fut autre chose malgré ses raisons sans réplique. Il lui fallut recourir à Rome, y payer, en essuyer les lenteurs, qui depuis six mois duroient encore, et que les Espagnols prenoient plaisir à allonger. Cette niche et quelque chose de plus ne le raccommoda pas avec eux ni eux avec lui, mais le contre-coup en tomba sur La Fare, qui n’y avoit rien de commun, et à qui les Espagnols ne se seroient pas avisés de faire cette malice. Mais il étoit chevalier de Saint-Louis, et la difficulté qui accrochoit la réception de Maulevrier dans l’ordre de la Toison d’or ne permit pas que La Fare, dans le même cas que lui, y fût reçu sans dispense, tellement qu’il s’en retourna près d’un mois avant moi à Paris, où il ne put recevoir la Toison que quelques mois après, des mains de M. le duc d’Orléans, par commission du roi d’Espagne.

Deux jours après que mon fils aîné eut reçu la Toison, il prit congé de Leurs Majestés Catholiques, etc., et partit pour Paris avec l’abbé de Mathan, qui voulut bien nous faire l’amitié de s’en aller avec lui. Ils passèrent par l’Escurial, qu’ils n’avoient point vu, chargés des lettres du roi d’Espagne, du nonce, de Grimaldo, pour le prieur du monastère,