Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/253

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du triomphe qu’il procureroit au cardinalat. C’est en effet ce qui arriva.

Comme j’étois, Dieu merci, à trois cents lieues de cette scène, je ne rapporterai point ce qui se passa. Les ducs furent tondus à leur ordinaire ; mais ceux qui étoient du conseil de régence cessèrent d’y entrer ainsi que le chancelier. Ce qu’il y eut de plaisant, fut que les maréchaux de France qui en étoient en sortirent aussi, dont pas un jusqu’alors n’avoit imaginé de disputer rien aux cardinaux. C’est ce dont Dubois fut ravi. Il prit cette fausse démarche aux cheveux pour persuader au régent que cette prétention commune contre les cardinaux étoit uniquement prétexte, et réellement cabale contre lui et contre son gouvernement. Ce courrier me fut donc dépêché pour m’instruire de cet événement, et la lettre que le cardinal Dubois m’écrivit là-dessus ne peut s’extraire et mérite d’être rapportée ici tout entière, pour y remarquer tout l’art de ce venimeux serpent.

« On vous aura rendu compte, sans doute, monsieur, des mouvements qu’il y a eus dans le conseil de régence à l’occasion de la place que Mgr le duc d’Orléans a permis à M. le cardinal de Rohan d’y prendre. » (Dubois l’y prit en même temps, mais il n’en dit rien par modestie.) « S’il ne s’étoit agi que de la préséance entre les cardinaux et les ducs et pairs, je n’aurois pas été fâché que vous eussiez été absent pendant cette contestation. Mais comme cette difficulté, dans cette occasion, n’a été qu’un prétexte qu’on n’a pas même dissimulé longtemps, et que c’est une cabale formée et ménagée par un homme (le duc de Noailles) qui n’a pas su se conserver votre estime, et qui ne paroît pas avoir de bonnes intentions pour Son Altesse Royale, et qu’elle tend à troubler son gouvernement et à renverser ses ouvrages (lui Dubois),