Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/263

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viens de parler. Mais Belle-Ile, qui ne vouloit pas apparemment que je m’y méprisse, la commença par me dire qu’il m’avoit écrit le matin même, dans le paquet de Mme de Saint-Simon, sans détail, pour ne pas confier des choses si importantes à la poste ; mais que la conversation qu’il avoit eue le soir avec le cardinal Dubois et Le Blanc, où il avoit été résolu de m’envoyer un courrier exprès, l’engageoit à m’écrire celle qu’il m’envoyoit par cette voie sûre ; et de là entre dans le détail de ce qui s’est passé sur la préséance des cardinaux et la sortie du conseil de ceux qui s’en tinrent blessés ; de là entre dans celui de la cabale qui veut culbuter M. le duc d’Orléans et son gouvernement ; l’arrange, l’organise, nomme le duc de Noailles et Canillac comme les vrais chefs, et le maréchal de Villeroy, qui se persuade l’être ; l’entraînement du chancelier par Noailles ; distingue ceux qui, de bonne foi, ne pensent pas plus loin que la préséance, d’avec ceux qui de tout temps, effectivement plus que suspects, ont pris feu sur une apparence de rang qui ne les touche guère, mais qui, ennemis de tout temps du régent, ou dépités de se voir si reculés de toutes parts au gouvernement, n’ont de vues, de desseins et de projets que de le renverser. Il appelle leur absence du conseil lever le masque, et un attentat authentique à l’autorité du roi ; dit que le régent en est extrêmement piqué, et résolu à une fermeté inébranlable. Il prête toutes sortes de discours qui marquent les desseins pour la majorité. Il vient après à me dire qu’il comprend l’embarras où je me serois trouvé, dans cette cause commune, avec mon attachement pour M. le duc d’Orléans ; à la joie de mon absence dans cette conjoncture ; et à me conjurer d’être en garde sur tout ce qui me sera mandé ; de ne pas douter de la réalité et du danger de la cabale, et de ne pas prendre un périlleux change là-dessus. Il se jette ensuite sur des arrangements pris avec le parlement pour éloigner à la majorité M. le duc d’Orléans du gouvernement et pour renvoyer l’infante, et