Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/292

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

toute cette après-dînée, au Mail, qui me comblèrent de bontés, et de prendre un dernier congé d’elles en rentrant dans leur appartement.

J’avois donné la plupart de ces derniers jours à ce qu’un aussi court séjour qu’un séjour de près de six mois avoit pu me faire regarder comme des amis particuliers, surtout à Grimaldo. Quelque sensible joie et quelque empressement que je sentisse d’aller retrouver Mme de Saint-Simon et mes amis, je ne pus quitter l’Espagne sans avoir le cœur serré, [sans] regretter des personnes dont j’avois reçu tant de marques personnelles de s’accommoder de moi, et dont tout ce que j’avois vu dans le gros de la nation m’avoit fait concevoir de l’estime jusqu’au respect, et une si juste reconnoissance pour tant de seigneurs et de dames en particulier. J’ai conservé longtemps quelque commerce de lettres avec quelques-uns, mais avec Grimaldo tant qu’il a vécu, et après sa disgrâce et sa chute, qui n’arriva que longtemps après, avec plus de soin et d’attention qu’auparavant. L’attachement plein de respect et de reconnoissance pour le roi et la reine d’Espagne m’engagea à me donner l’honneur de leur écrire en toutes occasions, surtout à répandre mon extrême douleur à leurs pieds au renvoi de l’infante [1]. Je consultai là-dessus l’évêque de Fréjus, déjà plus maître que M. le Duc, qui me manda que je pouvois écrire, résolu, s’il m’eût refusé, de le dire à Laullez et de le prier de le mander à Leurs Majestés Catholiques. Elles me firent souvent l’honneur de me répondre avec toutes sortes de bontés, et de charger toujours leurs nouveaux ministres en France, et les personnes considérables qui y venoient se promener avec leur permission, de me renouveler expressément les mêmes bontés de leur part.

Je partis donc, enfin, de Madrid le 24 mars, prenant ma

  1. Ce fut le 5 avril 1725 que le duc de Bourbon, alors premier ministre, fit renvoyer la jeune infante, que l’on élevait à Paris depuis 1722.