Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/320

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et ses affaires fort embarrassées, dont il ne laissoit pas de tirer gros. C’étoit, de plus, un homme sans règle, qui, avec de l’esprit et les meilleurs discours, se gouvernoit lui et ses affaires de fort mauvaise façon, plein de chimères et de fantaisies. La duchesse Sforze, de chez qui il ne bougeoit tous les soirs, tant que son premier mariage dura, me prédit bien tout ce que j’en vis dans la suite. Son frère avoit quitté l’Espagne par la disgrâce du duc d’Havré, dans laquelle il fut enveloppé, comme elle a été racontée ici en son temps.

Il se fit peu de jours après un autre mariage chez moi, à Meudon, de la sœur de l’abbé de Saint-Simon avec le comte de Laval, maréchal de camp alors, et enfin devenu maréchal de France. Son nom et cette juste récompense de ses longs services dispensent d’en dire davantage. Mme de Saint-Simon avoit pris grand soin de cette jeune personne, et l’eut chez elle tant que je fus en Espagne. Elle étoit fort jolie, et son air de douceur, de modestie et de retenue plaisoit extrêmement. Le dedans étoit fort au-dessus du dehors : de l’esprit, de l’agrément, de la gaieté, une piété et une vertu qui ne se sont jamais démenties et qui n’ont effarouché personne ; fort propre au monde, et une conduite qui a infiniment aidé la fortune de son mari. Il vouloit une alliance et des entours qui le pussent porter. Il eut, en se mariant, un petit gouvernement, et sa femme une pension.

Courtenvaux mourut fort jeune. Il étoit fils aîné du fils aîné de M. de Louvois. Sa mère étoit sœur du maréchal d’Estrées, et sa femme sœur du duc de Noailles, et il laissoit un fils qui sortoit tout au plus du maillot. Il avoit eu la belle charge de son père de capitaine des Cent-Suisses. L’âge de l’enfant étoit ridicule ; les services ni la naissance n’y suppléoient pas. Néanmoins la facilité et le mépris de toutes choses de M. le duc d’Orléans enhardirent le duc de Villeroy et le maréchal d’Estrées : M. le duc d’Orléans ne put leur résister, et l’enfant eut la charge. Le frère cadet de son