fortune, que le duc de Berwick m’a conté que la première fois qu’il fut envoyé en Espagne ; il lui fut présenté pour être son secrétaire pour l’espagnol ; qu’il ne le prit point, parce qu’il ne savoit pas un mot de françois, et qu’ensuite il entra sous-commis dans les bureaux d’Orry. Des hasards d’expéditions le firent connoître et goûter à Orry ; il en fit son secrétaire particulier, et il y plut à Orry de plus en plus. Il lui donna sa confiance sur bien des choses, le fit connoître à Mme des Ursins et à la reine ; il se servit peu à peu de lui pour l’envoyer porter au roi des papiers, et en recevoir des ordres sur des affaires, quand ses occupations lui faisoient ménager son temps. Ces messages se multiplièrent ; il avoit la princesse des Ursins et la reine pour lui ; il fut donc tout à fait au gré du roi, tellement qu’Orry, à qui son travail avec le roi n’étoit qu’importun, parce qu’un avec Mme des Ursins, par conséquent maître de l’État, il n’avoit pas besoin de particuliers avec le roi pour soutenir sa puissance et son autorité particulière, se déchargea de plus en plus de tout le travail que Grimaldo pouvoit faire pour lui avec le roi, et des suites de ce travail, comme ordres, arrangements, etc., dont Grimaldo faisoit le détail, et lui en, rendoit un compte sommaire, ce qui le tira bientôt de la classe des premiers commis, et en fit une manière de petit sous-ministre de confiance. Le roi s’y accoutuma si bien que la chute d’Orry, celle de Mme des Ursins, l’ascendant que prit la nouvelle reine sur son esprit, presque aussitôt qu’elle fut arrivée, ne purent changer le goût que le roi avoit pris pour lui, ni sa confiance. Albéroni et la reine le chassèrent pourtant de toute affaire et de toute entrée au palais, mais ils ne purent venir à bout de l’exiler de Madrid.
Grimaldo, pendant la durée de son petit ministère, s’en étoit servi pour se lier avec La Roche, avec les valets intérieurs et pour gagner les bonnes grâces du duc del Arco et du marquis de Santa-Cruz, amis intimes l’un de l’autre,