Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 19.djvu/43

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À l’égard de ceux dont il portoit le travail au roi, à leur exclusion, il adoucissoit cette peine par les manières les plus polies et les plus considérées. Il ne se mêloit immédiatement d’aucun de leurs départements, c’est-à-dire qu’il n’écoutoit point ceux qui y avoit des affaires : c’étoit à eux à s’en démêler avec les ministres naturels du département dont étoient leurs affaires ; et lui, il n’en entendoit parler que par l’envoi que lui faisoient ces ministres des papiers qu’ils auroient portés devant le roi, et du compte qu’ils lui en [eussent] rendu, s’ils eussent travaillé avec Sa Majesté. Quelquefois alors Grimaldo écoutoit ceux que ses affaires regardoient ; je dis quelquefois, selon que l’importance de l’affaire le demandoit, ou que la considération des personnes l’exigeoit, car d’ordinaire il s’en tenoit à ce que les ministres lui envoyoient, formoit son avis là-dessus, en conformité du leur ou non, mais rapportant toujours au roi leur avis et sur quoi ils le fondoient, accompagnoit le renvoi qu’il faisoit des papiers et de la décision du roi, avec célérité et politesse. Bien étoit vrai qu’il prenoit plus de connoissances de certaines affaires, mais ce n’étoit qu’avec beaucoup de choix pour suffire à son propre travail, et ne se pas noyer dans celui des autres. Malgré ces attentions, il étoit impossible que les autres secrétaires d’État, etc., ne sentissent le poids de ce joug qui les séparoit du roi comme de simples commis, et qui leur donnoit un censeur tête à tête avec le roi, en lui rapportant toutes leurs affaires. J’expliquerai plus bas cette façon de travailler, et la jalousie qui en résulta, mais qui fut impuissante jusque longtemps après mon retour, et qui n’en mit pas les autres ministres plus à portée du roi, trop accoutumé de si longue main à ne travailler qu’avec un seul, toujours le même. Je me contente de rapporter ce que j’ai vu, sans louer ni blâmer ici cette manière de gouverner une si vaste monarchie.

Grimaldo étoit chancelier de l’ordre de la Toison d’or, sans en porter sur soi ni à ses armes aucune marque. Il