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CAUSERIES DU LUNDI.

s’approchaient, et je l’ai considérée de toutes manières pour vous mander ce qu’il m’en semble. Elle a la meilleure grâce et la plus belle taille que j’aie jamais vue, habillée à peindre et coiffée de même ; des yeux très-vifs et très-beaux, des paupières noires et admirables, le teint fort uni, blanc et rouge, comme on peut le désirer ; les plus beaux cheveux blonds que l’on puisse voir, et en grande quantité. Elle est maigre, comme il convient à son âge ; sa bouche fort vermeille, les lèvres grosses, les dents blanches, longues et mal rangées ; les mains bien faites, mais de la couleur de son âge. Elle parle peu, au moins à ce que j’ai vu, n’est point embarrassée qu’on la regarde, comme une personne qui a vu du monde. Elle fait mal la révérence et d’un air un peu italien. Elle a quelque chose d’une Italienne dans le visage, mais elle plaît, et je l’ai vu dans les yeux de tout le monde. Pour moi, j’en suis tout à fait content. Elle ressemble à son premier portrait, et point à l’autre. Pour vous parler comme je fais toujours, je la trouve à souhait, et serais fâché qu’elle fût plus belle.

« Je le dirai encore : tout plaît, hormis la révérence ; je vous en dirai davantage après souper, car je remarquerai bien des choses que je n’ai pas pu voir encore. J’oubliais de vous dire qu’elle est plus petite que grande pour son âge. Jusqu’à cette heure j’ai fait merveille : j’espère que je soutiendrai un certain air aisé que j’ai pris, jusqu’à Fontainebleau, où j’ai grande envie de me retrouver. »


À dix heures du soir, avant de se coucher, le roi ajoutait en post-scriptum :


« Plus je vois la princesse, plus je suis satisfait. Nous avons été dans une conversation publique où elle n’a rien dit ; c’est tout dire. Elle a la taille très-belle, on peut dire parfaite, et une modestie qui vous plaira. Nous avons soupé ; elle n’a manqué à rien et est d’une politesse charmante à toutes choses ; mais, à moi et à mon fils, elle n’a manqué à rien et s’est conduite comme vous pourriez faire. Elle a été bien regardée et observée, et tout le monde parait satisfait de bonne foi. L’air est noble, et les manières polies et agréables ; j’ai plaisir à vous en dire du bien, car je trouve que, sans préoccupation et sans flatterie, je le peux faire, et que tout m’y oblige. »


Maintenant oserai-je exprimer ma pensée ? Il est bien question de la modestie en un ou deux endroits de cette