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MADAME D’ÉPINAY.

« En 1817, l’auteur de la présente Notice, ayant fait l’acquisition du manuscrit qui renfermait les Mémoires de Mme d’Épinay, pria son ami de le revoir et de le mettre en état d’être imprimé. C’était là, sans nul doute, un travail fort délicat ; mais M. Parison s’en est acquitté avec tant de bonheur, que, tout en conservant, sans les altérer, les récits de l’auteur, il a su extraire de l’ébauche d’un long roman (c’est ainsi que l’a qualifié Grimm dans sa Correspondance) des Mémoires fort curieux que tout le monde a lus avec le plus grand plaisir. Or, pour arriver à cet heureux résultat, il a suffi d’élaguer tout ce qui ne tenait pas nécessairement aux Mémoires, de substituer aux deux cents premières pages, dénuées d’intérêt dans le manuscrit, une courte introduction qui mit le lecteur au fait des événements antérieurs au mariage de Mlle d’Esclavelle avec M. d’Épinay ; de supprimer entièrement un dénoûment tout à fait romanesque, en le remplaçant par une simple note ; enfin d’ajouter çà et là, dans le courant du texte, quelques phrases servant à rapprocher les passages entre lesquels il avait été fait des coupures indispensables : en sorte que, nous pouvons l’affirmer, c’est bien le manuscrit copié sous les yeux de Mme d’Épinay, et apostillé de sa main, qui a été mis entre celles des imprimeurs, et qu’ils ont suivi exactement dans tout ce qui a été conservé. Toutefois, il faut bien en convenir, cet ouvrage, dans lequel la fiction est souvent mêlée à la réalité, n’a de véritable valeur historique que comme tableau, malheureusement trop fidèle, des mœurs d’une certaine classe de la société parisienne au milieu du xviiie siècle, et ne saurait être opposé avec confiance, en ce qui concerne J.-J. Rousseau, aux Confessions de ce philosophe. Jamais M. Parison n’a voulu avouer, si ce n’est peut être à quelques amis, qu’il fut l’éditeur de ces singuliers Mémoires ; mais, aujourd’hui qu’il n’est plus, nous devons le nommer, en ajoutant que c’est par notre conseil et d’après nos indications qu’il a fait subir au manuscrit les retranchements indiqués ci-dessus. »


M. Félix Bovet, de Neuchâtel, qui a beaucoup travaillé sur les précieux manuscrits de J.-J. Rousseau que possède la Bibliothèque de cette ville, m’assure qu’après vérification faite par lui sur les originaux des Lettres de Jean-Jacques, c’est le texte donné dans les Confessions qui est l’exact et le véritable.