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CAUSERIES DU LUNDI.

Que mille atours relèvent tes attraits.
L’Amour par eux m’a rendu sa puissance…


Par eux, c’est-à-dire par tes attraits : on n’a jamais fait plus difficilement un vers moins facile. Ce qu’il y a de Joli dans le Vieux Célibataire, et de tout à fait engageant, c’est le refrain : Allons, Babel…, qui s’attache à la mémoire et qui continue longtemps de chanter en nous.

Cette remarque serait perpétuelle ; elle se renouvelle et se vérifie pour moi presque à chacune des chansons de Béranger. La conception, d’ordinaire, la composition de ces petits cadres, le motif est délicieux, poétique ; c’est l’expression, le style souvent qui s’étrangle ou qui fléchit. L’étincelle sous laquelle son idée lui arrive, il la développe, il l’étend, il la divise, mais c’est ce qui reste de mieux après tout dans sa chanson. Elle se résume dans le refrain : c’est par là qu’elle lui est venue, et c’est par là qu’elle demeure aussi dans notre souvenir, bien supérieure souvent à ce qu’elle est par l’exécution.

Mon Habit est une des chansons qu’on aime le plus à citer. On en a retenu le refrain et des vers charmants :

La fleur des champs brille à ta boutonnière…
Ces jours mêlés de pluie et de soleil…


C’est très-joli de motif, très-spirituel d’idées, quelquefois très-heureux d’expression. Et pourtant je ne puis m’empêcher de noter quelques mauvais vers, des expressions vagues et communes. Ainsi dans le premier couplet :

Quand le Sort à ta mince étoffe
Livrerait de nouveaux combats.


Et dans le second couplet, où il parle de ses amis :

Ton indigence qui m’honore
Ne m’a point banni de leurs bras.