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CAUSERIES DU LUNDI.

dramatique, il y a comme plusieurs chapitres qui sont offerts tout d’une pièce, qui ne sont pas détachés et découpés à temps. Quand on arrive au terme de ce travail si instructif, et, somme toute, si agréable, peu s’en faut que tout à la fin il ne recommence, tant l’auteur se pose de questions nouvelles en finissant. Il n’y a point de pause ménagée ni de repos. N’était ce défaut-là, ce serait parfaitement littéraire. Mais les mesures littéraires, si je puis dire, sont un peu dépassées. Et en général, quel que soit le sujet qu’il traite, l’auteur remonte aux origines, aux causes ; il s’y complaît ; il reprend tout dès le principe, et il redescend de là jusqu’à l’extrême conclusion sans passer un seul anneau de la chaîne. Il ne compte pas assez avec la légèreté française, cette légèreté que son père et tout le xviiie siècle connaissaient si bien, et que le xixe n’a pas encore tout à fait oubliée.

À ces morceaux de critique, de premier ordre d’ailleurs, et si dignes de haute estime, il faut joindre l’Éloge du savant orientaliste M. de Sacy, prononcé par le duc de Broglie à la Chambre des pairs le 27 avril 1840, très-bel Éloge, très-grave, religieux de ton, sobrement orné, et de tout point conforme au sujet.

La Révolution de Juillet porta, du premier jour, M. de Broglie au ministère. Mais il n’eut dans le premier Cabinet (11 août 1830) que le portefeuille de l’Instruction publique, et il le garda seulement quelques mois. Ce ne fut que deux ans après qu’il fut appelé à un rôle dirigeant. Casimir Périer était mort ; il s’agissait de le continuer avec plus de largeur et avec stabilité. Le ministère du 11 octobre (1832) fut formé. Ce ministère était, en quelque sorte, un ministère Périer collectif, plus intellectuel, aussi énergique ; il réunissait en faisceau les hommes les plus capables non encore désunis, M. Guizot, M. Thiers. M. de Broglie eut les affaires étrangères ;