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CAUSERIES DU LUNDI.

connue enceinte, et avant sept mois elle accoucha d’un enfant qui ne vécut pas, » Cela veut dire en bon gaulois que la princesse passait pour être déjà enceinte, quand elle jugea nécessaire de venir retrouver son mari. À tout moment, M. Bazin fait entendre de la sorte certaines choses, mais il ne les dit pas.

C’est un défaut pour l’histoire, laquelle, dans sa simplicité et sa force, ne comporte guère ce genre de malice couverte et d’épigramme. En vérité, on dirait par moments que l’historien n’est pas fâché que le lecteur candide ne sente point toute la portée de ce qu’il dit, et que son ambition n’aille à être compris que des plus fins[1].

Un autre défaut chez M. Bazin historien ou biographe, un défaut qui ne laisse pas d’impatienter les lecteurs francs qui n’entendent rien à toutes ces ruses, c’est qu’il ne cite jamais ses sources ni ses auteurs, lui qui en fait un usage si scrupuleux pourtant, si exact et si fait pour défier la confrontation. Il a vu que l’abus du jour était d’afficher l’érudition, d’entasser les notes et les citations d’auteurs au bas de chaque page, et, de peur de paraître pédant, il s’est jeté dans l’abus contraire ; il n’indique jamais l’endroit d’où il emprunte une citation. Vous êtes curieux, tant pis ! même quand il vous instruit, il n’est peut-être pas fâché de vous humilier un peu, et il vous dérobe quelque chose. Cette affectation singulière, tout à fait petite dans un mérite si réel et si solide, a choqué dès longtemps un critique qui fait de M. Bazin le plus grand cas, et qu’il me prend envie ici,

  1. Il y a une Histoire de Louis XIII, qu’on ne lit guère, par le Père Griffet continuateur de Daniel ; cette Histoire me parait bien préférable à celle de M. Bazin, plus large et plus naturelle, très-curieuse de recherches, et laissant dans l’esprit du lecteur une idée plus nette des choses et des personnages.