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CAUSERIES DU LUNDI.

de précieux détails. Dans l’une, adressée à une amie, la comtesse de Lutzelbourg, elle dit (3 janvier 1751 ) :


« Je vous crois bien contente de l’édit que le roi a donné pour anoblir les militaires. Vous le serez bien davantage de celui qui va paraître pour l’Etablissement de cinq cents gentilshommes que Sa Majesté fera élever dans l’art militaire. Cette École royale sera bâtie auprès des Invalides. Cet Établissement est d’autant plus beau, que Sa Majesté y travaille depuis un an et que ses ministres n’y ont eu nulle part, et ne l’ont su que lorsqu’il a eu arrangé tout à sa fantaisie, ce qui a été à la fin du voyage de Fontainebleau. Je vous enverrai l’Édit d’abord qu’il sera imprimé. »


Si le roi y avait songé tout seul et sans ses ministres, il n’est pas douteux que c’est à Mme  de Pompadour qu’il en dut l’inspiration, car il n’était pas homme à avoir de son chef de ces idées-là. Une autre lettre toute familière de Mme  de Pompadour, adressée à Paris-Duverney, qui lui en avait suggéré l’idée première à elle-même, nous la montre poursuivant l’exécution de ce noble projet avec sollicitude :


« Le 15 août 1755.

« Non, assurément, mon cher nigaud, je ne laisserai pas périr au port un Établissement qui doit immortaliser le roi, rendre heureuse sa noblesse, et faire connaître à la postérité mon attachement pour l’État et pour la personne de Sa Majesté. J’ai dit à Gabriel aujourd’hui de s’arranger pour remettre à Grenelle les ouvriers nécessaires pour finir la besogne. Mon revenu de cette année ne m’est pas encore rentré ; je l’emploierai en entier pour payer les quinzaines des journaliers. J’ignore si je trouverai mes sûretés pour le paiement, mais je sais très bien que je risquerai, avec grande satisfaction, cent mille livres pour le bonheur de ces pauvres enfants. Bonsoir, cher nigaud, etc., etc. »


Si le ton peut paraître un peu bourgeois, l’acte est royal.

Tous les maîtres de l’École française d’alors firent le portrait de Mme  de Pompadour : on a celui de Boucher,