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Page:Sainte-Beuve - Causeries du lundi, XIII, 3e éd.djvu/156

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CAUSERIES DU LUNDI.

j’aurais dû naître espalier. » Ses infirmités, qui augmentèrent dans les dernières années, étaient déjà bien sensibles quand l’abbé de Pons le connut. Le petit abbé au corps infirme s’était attaché de bonne heure à l’ingénieux aveugle, et sans doute par une secrète sympathie, le voyant également et diversement affligé. Il fut donc enthousiaste de La Motte, et crut réellement que cet esprit très-éclairé était un talent supérieur et un génie. Ce qui manquait à La Motte pour s’élever jusque-là, manquait à plus forte raison à l’abbé de Pons lui-même ; mais l’abbé avait aussi en lui beaucoup des qualités et des distinctions de La Motte.

Le marquis d’Argenson, lisant plus tard le volume des Œuvres de l’abbé de Pons, se souvenait d’avoir connu autrefois l’auteur, et en parlait en ces termes, n’écrivant que pour lui seul[1] :

« Je crois que c’est chez madame la marquise de Lambert que je l’ai vu. C’était un petit bossu, grand ami de La Motte, homme d’une éloquence charmante quand il s’animait en parlant. On a recueilli ce qu’on a pu de ses écrits depuis sa mort pour composer ce Recueil, et véritablement on y lit avec plaisir l’homme de goût, l’homme de belles-lettres, le philosophe. Il était cependant par trop admirateur de La Motte-Houdar ; il en fait un homme trop élevé, trop sublime. Ce qu’il dit contre les stupides admirateurs des Anciens à propos de l’Iliade française me semble d’une grande justesse ; mais son La Motte n’est pas si grand poète qu’il dit, quoique homme de beaucoup d’esprit et de goût. »

Et M. d’Argenson, qui est sans gêne dans son tête-à-tête et dont tous les jugements d’ailleurs ne sont pas articles de foi, note dans ce volume de l’abbé de Pons qu’il vient de lire « un petit Traité de l’Origine des âmes qui est, dit-il, une miniature de métaphysique. »

L’abbé Trublet, autorité peu considérable en matière

  1. Dans les Remarques en lisant (manuscrits de la Bibliothèque du Louvre).