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PENSÉES

Les matins de printemps, quand la rosée enivre
Le gazon embaumé, je sors avec un livre
Par la porte du bois.


Et dans un sonnet :

Ce n’est pas un aveu que mon ardeur réclame ;

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Ce n’est pas d’enlacer en mes bras le contour

De ces bras, de ce sein ; d’embraser de ma flamme
Ces lèvres de corail si fraîches ; non, Madame, etc.


Et en parlant de ma Muse :

Elle n’est pas la vierge ou la veuve éplorée
Qui d’un cloître désert, d’une tour sans vassaux
Solitaire habitante, erre sous les arceaux,
Disant un nom ; descend aux tombes féodales, etc.


Et pour dernière citation :

… Oh ! ce n’est pas une scène sublime,
Un fleuve résonnant ; des forêts dont la cime
Flotte comme une mer, ni le front sourcilleux
Des vieux monts tout voûtés se mirant aux lacs bleus.


Ira-t-on conclure de ces différences essentielles que la forme de Racine ne se rencontre jamais chez André Chénier et ses successeurs ? Rien ne serait moins exact. En se permettant de jeter souvent le vers dans un nouveau moule, on ne s’est pas interdit de s’en tenir à l’ancien quand il suffisait ; suivant l’adage vulgaire, qui peut le plus peut le moins, et, envisagé de la sorte, l’alexandrin de Racine n’est qu’un cas particulier de la formule générale d’André Chénier. Nous reconnaîtrons même très-volontiers que ce cas doit rester le plus fréquent dans l’application. Sur vingt bons vers de l’école moderne, il y en aura toujours quinze qu’à la rigueur Racine aurait pu faire.


V

On rencontre de par le monde des critiques qui emploient tout