Page:Sainte-Beuve - Poésies 1863.djvu/263

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
253
DE JOSEPH DELORME.

Et si l’âme incertaine, à tant de grâce unie,
Se dit Glycérion, Cinthie ou Philénie.

Eh bien, j’ai voulu suivre ! Au Luxembourg voisin
Demi-barricadé, curieuse, au jardin,
Elle allait ; en-entrant, je l’ai quasi pressée ;
Elle allait lentement, et point embarrassée,
Sans donner espérance, et sans se retourner,
Hors une longue fois pour voir se dessiner
La salle neuve ; encor sa lèvre fit la moue.
Plus loin, vers le bassin où le cygne se joue,
Seule, je la laissai suivre le grand contour,
Et pas à pas serrant le côté le plus court,
Comme l’enfant discret flatte un cygne qui nage,
À travers l’eau limpide admirant son image,
Un moment, je crus bien qu’elle avait tressailli,
Qu’un lien invisible, entre nous établi,
Me l’allait enchaîner ; car, d’un tour plus docile,
Elle revint, reprit le passage et la ville ;
Et moi, plus confiant, je la couvais de l’œil,
Et marquais mon esclave en rêvant à l’accueil.
Mais, du pâle Odéon quittant la colonnade,
Voilà qu’un cavalier à la moustache fade,
Fort absent jusqu’alors, traversa brusquement,
Et d’un hardi regard, ou d’un propos charmant,
L’effraya, la gagna,… que sais-je ? en une allée,
Quand plus près j’accourais, l’ombre était envolée.
Lui, resta quelque temps dehors, l’air assuré.
Fûmes-nous éconduits ?… me fut-il préféré ?

Oh ! tout le jour, Ami, de cette quête ardente,
Après mainte heure encor de retour et d’attente,
Ami, je souffris bien, navré, brûlant de feux,
Ne voyant rien de beau parmi les plus beaux yeux,