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DE JOSEPH DELORME.

La troupe, de plaisir, s’écrie
Sans attendre la fin du jeu.
Courant à si longue haleinée
Ils n’ont pas vu la Destinée
Se tapir au ravin profond[1].
Oh ! dites-leur la suite amère,
Lot de tout être né de mère ;
Homme, dites-leur ce qu’ils sont !

Faut-il en effet vous le dire ?
Enfants, faut-il les dénombrer
Ces maux, ces vautours de délire
Que chaque cœur sait engendrer ?
Notre enfance aussitôt passée,
Au seuil l’injustice glacée
Fait révolter un jeune sang ;
Refus muet, dédain suprême,
Puis l’aigreur qu’en marchant on sème,
Hélas ! que peut-être on ressent !

Tel qui, l’œil tendre, avec mystère,
Rêvait, cheveux de lin épars,
Disciple troublé d’un sectaire,
Prendra les farouches regards ;
Tel, dont la finesse naïve
A trop senti la bise active,
Tourne en malice à son midi ;
Tel qui, dès sa première route,
Hardiment ébranlait la voûte,
S’énerve et n’est plus qu’affadi.

  1. Nimnerme, Élégie :
    .....Κῆρες δέ παρεστήκασι μέλαιναι.