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LES CONSOLATIONS.

Pourquoi venir alors nous dire que la foi
Est morte aux cœurs humains ; que chacun tire à soi ;
Qu’entre les amitiés aucune n’est durable ;
Et pour un tort léger parler d’irréparable ?
L’irréparable, hélas ! savez-vous ce que c’est,
Vous que le Ciel bénit ? malheur à qui le sait !
Une fille à quinze ans, fraîche, belle, parée,
Et tout d’un coup ravie à sa mère éplorée ;
Un père moribond, et que le froid raidit
Avant qu’il ait dit grâce au fils qu’il a maudit ;
Une vierge séduite et puis abandonnée,
Un souvenir sanglant dans notre destinée,
Un remords étalé sur un front endormi,
Quelque mortel outrage à l’honneur d’un ami :
Voilà l’irréparable ! et ce seul mot nous brise !
Mais aux coups plus légers le cœur se cicatrise ;
Et quand on vit, qu’on s’aime, et que l’un a pleuré,
On pardonne, on oublie et tout est réparé.


Juillet 1829.

VI

À M. A… DE L… (LAMARTINE.)


Le jour que je vous vis pour la troisième fois,
C’était en juin dernier, voici bientôt deux mois ;
Vous en souviendrez-vous ? j’ose à peine le croire,
Mais ce jour à jamais emplira ma mémoire ;