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LES CONSOLATIONS.

Où déjà par le front vous plongez à demi ;
Doux bruits, moins doux pourtant que la voix d’un ami :
Vous, noble époux ; vous, femme, à la main votre aiguille,
À vos pieds vos enfants ; chaque soir, en famille,
Vous livrez aux doux riens vos deux cœurs reposés,
Vous vivez l’un dans l’autre et vous vous suffisez.
Et si quelqu’un survient dans votre causerie,
Qui sache la comprendre et dont l’œil vous sourie,
Il écoute, il s’assied, il devise avec vous,
Et les enfants joyeux vont entre ses genoux :
Et s’il sort, s’il en vient un autre, puis un autre
(Car chacun se fait gloire et bonheur d’être vôtre),
Comme des voyageurs sous l’antique palmier,
Ils sont les bienvenus ainsi que le premier.
Ils passent : mais sans eux votre existence est pleine,
Et l’ami le plus cher, absent, vous manque à peine.
Le monde n’est pour vous, radieux et vermeil,
Qu’un atome de plus dans votre beau soleil,
Et l’Océan immense aux vagues apaisées
Qu’une goutte de plus dans vos fraiches rosées ;
Et bien que le cœur sûr d’un ami vaille mieux
Que l’Océan, le monde et les astres des cieux,
Ce cœur d’ami n’est rien devant la plainte amère
D’un nouveau-né souffrant ; et pour vous, père et mère,
Une larme, une toux, le front un peu pâli
D’un enfant adoré, met le reste en oubli.
C’est la loi, c’est le vœu de la sainte Nature ;
En nous donnant le jour : « Va, pauvre créature,
« Va, dit-elle, et prends garde au sortir de mes mains
« De trébucher d’abord dans les sentiers humains.
« Suis ton père et ta mère, attentif et docile ;
« Ils te feront longtemps une route facile :
« Enfant, tant qu’ils vivront, tu ne manqueras pas,
« Et leur ardent amour veillera sur tes pas.