Page:Sainte-Beuve - Poésies 1863.djvu/463

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
141
PENSÉES D’AOÛT.

À l’âme délicate et tout le jour sevrée !

Il a gagné pourtant en bonheur : jusque-là,
Plus d’un mystère étrange, et que Dieu nous voila.
Avait mis au défi son âme partagée.
La vérité nous fuit par l’orgueil outragée.
Mais alors, comme au prix d’un sacrifice cher,
Sans plus qu’il y pensât en Prométhée amer,
De vertus en vertus, chaque jour, goutte à goutte.
La croyance, en filtrant, emporta tout son doute :
La persuasion distilla sa saveur,
Et la pudique foi lui souffla la ferveur.

Doudun (exemple aussi) n’est pas, comme Marèze,
De ceux qui sentiraient leur âme mieux à l’aise
À briller au soleil et mouvoir les humains
Qu’à compter pas à pas les chardons des chemins.
Il chemine et se croit tout en plein dans sa trace.
Très-doux entre les doux et les humbles de race,
Il n’a garde de plus, ne prévaut sur pas un ;
Celui seul qui se baisse a connu son parfum ;
La racine en tient plus, et la fleur dissimule.
Son prix, son nom nommé lui serait un scrupule.
Enfant, simple écolier, se dérobant au choix,
Avant qu’il eût son rang il se passait des mois :
Il n’en tâchait pas moins, sans languir ni se plaindre,
Mais comme au fond craignant de paraître et d’atteindre.
Jeune homme, étroitement casé, non rétréci,
Cœur chaste à l’amitié, n’eut-il donc pas aussi
Quelque passion tendre, humble, et, je le soupçonne,
Muette, et que jamais il n’ouvrit à personne,
Mais pour qui sa rougeur parle encore aujourd’hui,
Si l’objet par hasard est touché devant lui ?
Avant tout il avait sa mère bien-aimée,