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PENSÉES D’AOÛT.

Varié, tendre à voir : « Hélas ! me dit le maître,
« Tout croissait à ravir : me faudra-t-il en être
« À mes frais d’espérance et d’entretien perdu ! »
— « Et pourquoi ? » — « Cette année, à foison répandu,
« Enfouissant partout sa ponte sans remède,
« Le hanneton fait rage, et le ver qui succède
« Prépare sa morsure à tout ce bois léger :
« À la racine un seul, l’arbre va se ronger,
« Bien peu résisteront. » — Ce mot fait parabole :
Le mal n’est jamais loin, le ver creuse et désole.

Monsieur Jean voit le mal, et, sous les dehors lourds
D’égoïsme rampant, il l’attaqua toujours.
Pour vaincre aux jeunes cœurs la coutume charnelle,
Il tâche d’y glisser l’étincelle éternelle,
Et de les prémunir aux grossiers intérêts
Par la pure morale et ses vivants attraits.
Chaque enfant près de lui, c’est une âme en otage.
Simple, il dit ce qu’il faut : il dirait davantage
S’il ne se contenait au cercle rétréci ;
Et pourtant il se plaint d’avoir peu réussi.
Ces quinze derniers ans lui sont surtout arides ;
Soit que ses saints désirs se fassent plus avides
En approchant du terme, ou soit que, tristement,
Le bon germe en ces cœurs devienne plus dormant.
À peine il les éveille, et l’exemple l’emporte ;
Honnêtes… ils le sont, mais l’étincelle est morte ;
La communion fait le terme habituel
Où cesse de leur part tout souci vers le Ciel :
Ce tour ingrat le navre. Âme à bon droit bénie,
Il a d’amers moments d’angoisse et d’agonie.
« Je l’ai vu, me disait madame de Cicé,
« Ces jours-là, vers mes bois errer le front baissé :
« Et si je l’interroge et lui parle d’école :