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PENSÉES D’AOÛT.

Elle l’avait marqué d’une marque légère
À l’insu des parents, et l’avait pu savoir
Depuis en bonnes mains, fidèle à le revoir ;
Et la dernière fois qu’elle vint au village,
La Présidente eut d’elle un entier témoignage,
Mais dont rien au dehors ne s’était répété.
Sur l’origine, hélas ! du pauvre rejeté.

Et l’enfant profitait entre ceux de l’école.
Son esprit appliqué sans un moment frivole,
Sa douceur au travail et ses jeux à l’écart,
Des larmes fréquemment au bleu de son regard,
Ses vives amitiés, ses tristesses si vraies
Qui soudain le chassaient sauvage au long des haies,
Sa prière angélique où le calme rentrait,
Tout assemblait sur lui la plainte et l’intérêt.
En avançant en âge, il ne quitta plus guère
La Présidente, et fut comme son secrétaire ;
Dans ses livres nombreux, mais purs et sans danger,
Elle l’abandonnait, le sachant diriger.
Un avait quelquefois, de Paris, la visite
D’un grave et saint vieillard, front d’antique lévite,
Cœur aux divins larcins, qui de foi, d’amitié,
À Port-Royal croulant jadis initié,
Avait longtemps, autour de Châlons et de Troyes,
Chez les pauvres semé les plus fertiles joies.
Par lui l’on avait vu, dans un village entier,
Chaque femme en filant lire aussi le Psautier,
Et chaque laboureur fixer à sa charrue
L’Évangile entr’ouvert, annonce reparue !
Mais depuis par l’évêque, à force de détours,
Relancé de là-bas, il s’était pour toujours
Dérobé dans Paris, au fond d’une retraite,
Gardant sur quelques-uns direction secrète,