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PENSÉES D’AOÛT.


Apaisez votre cœur, car il n’est que trop plein ;
Car, hormis vos bons pleurs sur le pieux déclin
De la mère de votre père,
Vous n’eûtes à pleurer qu’au soir en promeneur,
En sublime égaré qui va sous le Seigneur,
Et qui jamais ne désespère !

Car sans relâche en vous, élancements, désirs,
L’Amitié, l’Art, le Beau, vos uniques soupirs,
Mêlant des feux et des fumées,
Formaient comme un autel trop chargé de présents,
Où, nuit et jour, veillaient sous des vapeurs d’encens
Les Espérances enflammées.

Et c’était de tous points, dans l’actif univers,
Retentissant en vous par salves de concerts,
Comme un chant d’orgue qui s’essaie,
D’un orgue mal dompté, mais sonore et puissant,
À l’Océan ému pareil, et mugissant,
Et dont le timbre humain s’effraie ;

Jusqu’à ce que, rompant ces échos du Sina,
Une note plus claire, un Salve Regina
Tout à coup repousse la brume,
Se glisse, s’insinue aux rameaux trop épais,
Donne au confus murmure un air divin de paix,
Et blanchisse la belle écume !

Apaisez votre cœur, car jusqu’ici vos nuits
S’en allaient sans rosée en orageux ennuis,
Et vous fatiguaient de mystères ;
Les étoiles, sur vous, inquiétants soleils,
Nouaient leurs mille nœuds, et de feux nonpareils,
Brûlaient vos rêves solitaires !