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PENSÉES D’AOÛT.

Dieu n’est pas tout pour moi ; mais l’âme encor profane,
Sans plus les égarer, étouffe ses soupirs !

Je n’ai que mieux senti l’intention profonde,
Ami ; vos saints accents me venant du vrai monde,
Où mort vous habitez,.
M’ont ravi sur vos pas en tristesse infinie.
Eh ! qui n’a pas vécu de vos nuits d’insomnie ?
Qui n’eut vos lents matins, vos soirs précipités ?
Qui n’eut pas sa Lucy quelque jour sur la terre ?
Qui ne l’a pas perdue, absente, ou par la mort ?
Au cœur d’une Amélie éveillant le mystère,
Qui n’a pas gardé le remord ?
Et plus tard, quand la faute en nous s’est enhardie,
Tout froissé des liens de quelque madame R.,
Oh ! qui n’a souhaité l’instant qui congédie,
La paix loin des erreurs, et le toit vaste et clair,
Et l’entretien si doux, tout proche de la mer,
Chez un ami de Normandie ?

Guérissons, guérissons ! et plus de faux lien !
C’est assez dans nos jours d’une amante pleurée,
Ménageons, vers le soir, quelque pente éclairée,
Où votre astre, Amaury, serait voisin du mien.

Mais puis-je, à mon souhait, suivre en tout même trace ?
Si le Christ m’attendrit, Rome au moins m’embarrasse.
Ô Prêtre, je le sais et l’ai bien éprouvé,
Par son sol triomphal, de sépulcres pavé,
Par son bandeau d’azur, par ses monts, par ses rues,
Par ses places en deuil des foules disparues,
Par ses marbres encor, son chant ou ses couleurs,
Ta Rome est souveraine à calmer les douleurs.
Mais son pouvoir d’en haut me trouble et me rejette :
En vain j’y veux ranger mon âme peu sujette ;