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PENSÉES D’AOÛT.

L’esprit se reconnaît, sentinelle fidèle,
Et fait signe à son char aux lointains horizons.

C’est ainsi que ton œil, ô ma noble Compagne,
Beau comme ceux des nuits, à temps m’a rencontré ;
Et je reçois de Toi, quand le doute me gagne,
Vérité, sentiment, en un rayon sacré.

Celui qui dans ta main sentit presser la sienne,
Pourrait-il du Destin désespérer jamais ?
Rien de grand avec toi que le bon n’entretienne,
Et le chemin aimable est près des hauts sommets.

Tant de trésors voisins, dont un peuple se sèvre,
Tentent ton libre esprit et font fête à ton cœur.
Laisse-moi découvrir son secret à ta lèvre,
Quand le fleuve éloquent y découle en vainqueur !

De ceux des temps anciens et de ceux de nos âges
Longtemps nous parlerons, vengeant chaque immolé ;
Et quand, vers le bosquet des pieux et des sages,
Nous viendrons au dernier, à ton père exilé,[1]

Si ferme jusqu’au bout en lui-même et si maître,
Si tendre au genre humain par oubli de tout fiel,
Nous bénirons celui que je n’ai pu connaître,
Mais qui m’est révélé dans ton deuil éternel !


  1. M. Necker était mort assez peu de temps avant cette pièce, qui doit dater de 1805.