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PENSÉES D’AOÛT.

Le verger de douze ans, premier pèlerinage ;
Quand un rare bonheur se revient révéler,
Et que tout bas on dit : « À qui donc en parler ? »
Alors je sens besoin d’un ami bien fidèle,
Bien ancien, bien sûr, qui sache et se rappelle ;
Un témoin du départ et des premiers souhaits,
À qui parler de soi sans le lasser jamais
(Car lui-même c’est nous, car nous sommes lui-même),
Avec qui s’épancher, de confiance extrême,
Jusque dans ces douleurs qu’au lévite prudent
L’intime ami blessé fait toucher cependant ;
Je cherche cet ami : les amitiés récentes,
Si vives sur un point, sur l’autre sont absentes ;
Et je cherche toujours, toujours plus loin en moi,…
Tout d’un coup je le nomme… et cet ami, c’est toi !

Altorf.

À BOULAY-PATY


à bord d’un bateau à vapeur


Nos partions sur le lac que le matin caresse ;
À ce soleil levé dans son plus frais souris,
Les durs sommets des monts, éclairés, attendris,
Faisaient un horizon d’Italie ou de Grèce.

Seule avec son enfant, d’un air de quakeresse,
La jeune Génevoise, aux beaux regards contrits,
Semblait voir ces grands lieux dans leur céleste prix.
Timidement, d’un mot, près d’elle je m’adresse.