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PENSÉES D’AOÛT.

À quelque Lamoignon qui garde encor ta loi :
Qu’auriez-vous dit de nous, Royer-Collard et toi ?

Mais aujourd’hui laissons tout sujet de satire ;
À Bâville aussi bien on t’en eût vu sourire,
Et tu tâchais plutôt d’en détourner le cours,
Avide d’ennoblir tes tranquilles discours,
De chercher, tu l’as dit, sous quelque frais ombrage,
Comme en un Tusculum, les entretiens du sage,
Un concert de vertu, d’éloquence et d’honneur,
Et quel vrai but conduit l’honnête homme au bonheur.

Ainsi donc, ce jour-là, venant de ta fontaine,
Nous suivions au retour les coteaux et la plaine,
Nous foulions lentement ces doux prés arrosés,
Nous perdions le sentier dans les endroits boisés,
Puis sa trace fuyait sous l’herbe épaisse et vive :
Est-ce bien ce côté ? n’est-ce pas l’autre rive ?
À trop presser son doute on se trompe souvent ;
Le plus simple est d’aller. Ce moulin par-devant
Nous barre le chemin ; un vieux pont nous invite,
Et sa planche en ployant nous dit de passer vite ;
On s’effraie et l’on passe, on rit de ses terreurs ;
Ce ruisseau sinueux a d’aimables erreurs.
Et riant, conversant de rien, de toute chose,
Retenant la pensée au calme qui repose,
On voyait le soleil vers le couchant rougir,
Des saules non plantés les ombres s’élargir,
Et sous les longs rayons de cette heure plus sûre
S’éclairer les vergers en salles de verdure, —
Jusqu’à ce que, tournant par un dernier coteau,
Nous eûmes retrouvé la route du château,
Où d’abord, en entrant, la pelouse apparue