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NOTES ET SONNETS.

De ces seuls lots où la vie est bornée,
Ta fille, ô mère, en eut trois, les meilleurs :
Rayons, parfums, la flamme de l’année,
Même des fruits la saveur devinée ;
Calme tes pleurs, calme tes pleurs !

joueuse enfant, qui donc connut plus qu’elle
Les longs ébats autour des gazons verts,
La matinée à durée éternelle,
Les coins chéris où finit l’univers ?
Qui mieux connut, sous l’œil sacré qui veille,
Quand tout lui fait joie et bruits et couleurs,
L’instant qui fuit et luit comme une abeille,
Et la minute à l’Océan pareille ?
Calme tes pleurs, calme tes pleurs !

Mais de ces jeux jusque-là tant éprise,
Comme lassée, elle sortit un soir,
Et le matin la surprit seule assise,
Un livre en main pour unique miroir.
Qu’y voyait-elle ? Est-ce l’image encore ?
Est-ce le sens ? L’esprit va-t-il ailleurs ?
Elle a pleuré sur des vers de Valmore :
Germe, étincelle, elle a ce qui dévore !
Calme tes pleurs, calme tes pleurs !

Elle à la flamme, elle attend, elle rêve,
Pauvre enfant pâle et qui trop tôt comprend.
Du gai buisson déjà son vol s’enlève ;
Elle soupçonne un univers plus grand.
Si quelque ami fatigué de sa route
Venait vers toi,… le soir ouvre les cœurs,
Ou s’épanchait ; elle assiste, elle écoute :