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APPENDICE.

répondit par une lettre qu’il se rendroit au lieu de l’assignation, mais qu’il n’attendoit pas grand fruit de cette entrevue, puisque, ainsi qu’il avoit appris de lui, on consultoit des avocats pour une affaire de conscience, qu’il ne voyoit que deux voies pour sortir de cette affaire, dont l’une étoit de s’en tenir au premier jugement qu’ils avoient rendu, et l’autre de l’expliquer, s’il étoit nécessaire, en termes plus forts et plus clairs ; et que, puisque M. de Saint-Paul n’approuvoit pas le formulaire qu’en avoit dressé M. de Saint-Roch avec de très-grands tempéraments, il n’espéroit pas grande utilité de leur conférence.
« M. de Saint-Roch vraisemblablement fit voir cette réponse à M. de Saint-Paul et à madame de Chavigny et à son conseil. Quoi qu’il en soit, ils se contentèrent de la signature de ces deux curés et n’appelèrent ni ne pressèrent plus davantage M. de Sainte-Beuve.
« Le 21, madame du Plessis-Guénegaud ayant porté le certificat à Port-Royal pour faire en sorte que M. de Sainte-Beuve le signât, on le trouva si ridicule que les personnes qui en eurent communication arrêtèrent que l’on verroit M. de Sainte-Beuve pour l’affermir, s’il étoit besoin, dans la résolution de ne le point signer.
« Le 23, madame de Chavigny ayant prié M. de Bagnols de la venir voir, lui fit de grandes instances pour l’engager à faire signer le troisième certificat par M. de Sainte-Beuve. Il lui répondit qu’il l’avoit disposé d’en signer un tel qu’elle le pouvoit désirer pour sa décharge à l’égard de ses enfants et que c’étoit la seule chose qu’elle lui avoit demandée et de laquelle il avoit besoin ; mais que pour changer ou diminuer en façon quelconque les avantages qui étoient acquis par le premier jugement des docteurs à la conduite de cette affaire et pour altérer la vérité du résultat de ce jugement, c’étoit une chose qui lui étoit tout à fait impossible. Cette dame dit que, puisque les deux docteurs curés l’avoient signé, elle ne savoit pas pourquoi il vouloit être plus exact. M. de Bagnols lui répondit qu’ils avoient chacun leur lumière, et qu’il étoit impossible d’engager M. de Sainte-Beuve par l’autorité de ces messieurs de suivre un déguisement affecté et de souscrire une attestation peu sincère et peu conforme à la vérité de leur résultat. Cette veuve dit qu’elle ne lui feroit nulle violence pour le signer et se contenteroit de la signature des deux autres. Il lui fut répondu que si elle en étoit satisfaite, on n’avoit rien à dire, mais seulement à prier Dieu qu’il lui donnât les lumières nécessaires pour se conduire dans cette affaire selon son esprit et non point selon l’industrie et les pensées des hommes.
« Non-seulement elle ne témoigna point être blessée de ce discours, mais elle voulut même persuader à M. de Bagnols qu’elle le considéroit comme son ami et qu’en cette qualité elle avoit à lui demander son avis sur la distribution qu’elle devoit faire des cent mille livres, lui faisant entendre que ces deux curés lui en avoient donné toute liberté ; qu’elle entroit dans le neuvième mois de sa grossesse ; qu’elle avoit accoutumé dans ce terme d’être fort malade ; qu’elle commençoit de se ressentir de ses infirmités ordinaires ; qu’elle craignoit même d’y mourir et que dans cette vue elle vouloit achever cette affaire importante à la décharge de sa conscience, de crainte que si elle étoit imparfaite avant sa mort, elle ne s’achevât jamais, ainsi qu’elle avoit (lieu) de croire, connoissant l’humeur des personnes qui dévoient lui survivre.
« M. de Bagnols lui témoigna qu’il se sentoit obligé de la confiance qu’elle vouloit prendre en lui ; qu’il étoit incapable de la jamais tromper et d’avoir aucune complaisance basse pour elle, et qu’ainsi il lui déclaroit que la