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PORT-ROYAL

en grande pompe, avec tambours et trompettes. Corneille, en s’intéressant à cette jeune enfant-poète de quatorze ans, ne faisait peut-être pas autant d’attention à ce jeune homme de seize, qui, alors tout occupé de sections coniques et de machine arithmétique, devait, vingt ans après le Cid, trouver et fonder la belle prose, comme le Cid avait ouvert la grande poésie.

Corneille ! Pascal ! à vingt ans de distance, la double colonne qui établit et signale glorieusement l’entrée de notre royale époque littéraire ! Les Provinciales, c’est le Cid de la prose, même avec quelque chose de plus pour le définitif de la langue. Il est vrai qu’on y a de moins Chimène.

En revenant à cette relation cherchée de Port-Royal à Corneille, nous n’en voyons donc pas de directe. Il y avait, tout proche de Rouen, un des nôtres, M. Guillebert, curé de Rouville, saint homme et ami direct de Port-Royal, lequel fonda dans son village et aux alentours une œuvre de piété et de sanctification qui transpira par tout le pays, qui finit par gagner les Du Fossé, les Pascal, et dont certes Corneille avait entendu parler ; mais on ne saisit rien de précis. Seulement il se découvre un rapport général, véritable, une ressemblance essentielle de physionomie entre M. d’Andilly, par exemple, ou la mère Agnès, qui, je l’ai dit, avaient l'un et l’autre quelque chose d’espagnol, de glorieux, de romanesque, en même temps que de dévot, et Corneille, dont certains personnages sont assez pareils, ou encore d’autres écrivains caractéristiques de cette époque, comme mademoiselle de Scudéry. M. d’Andilly, dans la scène du Guichet, nous a fait assez l’effet d’un jeune premier de

    p. 295), ne se doute pas plus que Corneille de l’inconvenance du sujet même, et il ne trouve à redire que théologiquement sur le prétendu dogme de la Conception immaculée si cher aux Jésuites, et que les Jansénistes ne purent jamais digérer.