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LIVRE PREMIER

de végétaux, appartenant à des époques closes et qu’une autre époque d’organisation a remplacées, ne laissent-elles pas dans l’ordre suivant quelque vestige distinct d’elles-mêmes ? n’y ont-elles pas des représentants, jusqu’à un certain point, par quelques individus qui s’en rapprochent et qui en offrent plusieurs essentiels caractères ? n’ont-elles pas comme un dernier mot ? Ne nous étonnons point que, dans un ordre moindre, dans des séries moins tranchées et moins séparées, quelque indice de la même loi de continuité ou de récurrence se fasse sentir. Ce qu’il y a de curieux toujours, c’est quand le lien se retrouve à l’improviste et comme par accident. On croyait avoir fini d’un genre, d’une espèce de littérature, on la jugeait dès longtemps enterrée, et voilà qu’un échantillon dernier reparaît, et le plus brillant, et le seul brillant. Polyeucte et Saint Genest sont tout à fait dans ce cas par rapport à la classe des mystères : il y avait eu interruption, le ricochet glorieux peut en sembler plus piquant.

L’étude sur Polyeucte resterait incomplète si nous n’y joignions le Saint Genest, dont ce nous est ici une occasion naturelle et unique de parler. Il convient donc de s’y arrêter encore. Et qu’on ne s’effraye pas trop de cette longue distraction semi-profane que nous nous accordons : Port-Royal est désormais fondé et clos ; la Journée du Guichet a eu lieu ; notre cloître subsiste et les dehors

    et la gloire. Pétrarque est, à certains égards, le dernier d’une foule de sonettieri italiens et de soupirants provençaux, dont on n’a plus que faire ; Benvenuto Cellini vient le dernier, me dit-on, d’une école de sculpteurs florentins qu’il couronne et qu’il recouvre. Bayard est le dernier des chevaliers. Aux derniers les bons, dit l’adage vulgaire. C’est le dernier chef de file qu’on voit. C’est toujours l’Histoire d’Alexandre, qui triomphe avec les trésors et l’armée de Philippe. Mirabeau aussi n’est-il pas le produit brillant, et déjà gâté, d’une race qui valait mieux que lui, et qui n’a éclaté dans la gloire que par lui ?