Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t1, 1878.djvu/181

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
167
LIVRE PREMIER.

Il pousse même un peu loin le jeu de mots sur ce rôle et sur la réplique que l'esprit angélique lui suggère aujourd’hui. Malgré tout, le pauvre acteur Lentule n’est pas encore convaincu, et s’écrie d’un air comiquement émerveillé :

Quoiqu’il manque au sujet, jamais il ne hésite.

Enfin Dioclétien perd patience et se fâche tout de bon, Genest s’adresse directement à lui, s’impute la faute, excuse ses compagnons et finit son apostrophe aux Empereurs par ces vers éloquents :

Je vous ai divertis, j’ai chanté vos louanges ;
Il est temps maintenant de réjouir les Anges,
Il est temps de prétendre à des prix immortels,
Il est temps de passer du théâtre aux autels.
Si je l’ai mérité, qu’on me mène au martyre :
Mon rôle est achevé, je n’ai plus rien à dire.

Dioclétien furieux le livre au préfet et l’envoie aux tourments. Ce quatrième acte a pourtant son retour encore assez comique. Le préfet Plancien interroge un à un les membres de la troupe pour voir s’il n’y a pas d’autre chrétien parmi eux, et chacun s’excuse en tremblant :

— Que représentiez-vous ? — Vous l’avez vu, les femmes…
.........
— Et vous ? — Parfois les rois, et parfois les esclaves.
— Vous ? — Les extravagants, les furieux, les braves.
...........
— Et toi ? — Les assistants.

Il les engage à visiter leur camarade dans sa prison pour le ramener au bon sens, s’il se peut, et à la comédie.