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LIVRE PREMIER.

genre, consulté par la mère Angélique, sur le conseil de M. Zamet avec qui il était en liaison commençante, lut et relut le petit Écrit, le tint comme au creuset durant quatre heures consécutives, l’estima tout à fait innocent et en prit publiquement la défense ; il recruta même des approbations formelles de Louvain, celles de Jansénius, de Fromond, qui applaudirent à l’ivresse et à la sainte liberté, disaient-ils, de ce langage de l’amour. Cela mit l’abbé au mieux avec M. Zamet, qui l’introduisit à la maison du Saint-Sacrement comme ami, puis bientôt comme directeur (1634), et ne voulut plus agir que par lui. Ici une tout autre relation commence.

M. de Saint-Cyran ne se poussait pas en avant de lui-même ni volontiers : il fallait toujours le presser deux ou trois fois pour qu’il mit le pied dans une affaire ; mais, une fois entré, il ne lâchait plus. Incontinent donc, il s’adonna à l’œuvre, pour raccommoder, comme il disait, ce qui était mal commencé ; tout son conseil tendit à rétablir la simplicité et la franchise d’une réforme chrétienne. L’absence de M. de Langres, retourné dans son diocèse, y aidait. Après une année environ de fréquentation assidue et d’instructions au parloir, il amena les sœurs à désirer toutes de lui faire leur confession générale. La mère Angélique se décida la dernière ; elle sentait toute la solennité de la rencontre tant différée ; elle retrouvait en lui cette image de véritable dévotion et de vie religieuse, qui ne l’avait pas quittée dès le moment du sermon du Père Basile, il y avait vingt-sept ans. Pour elle, ces deux instants lumineux se rejoignaient. Mais dans l’intervalle que de tâtonnements, d’erreurs de route, de fausses lueurs et de guides imparfaits ! « Ma misère, nous dit-elle, ma légèreté, le peu de vraie assistance que j’avois eue pour correspondre à cette première grâce, quoique ma volonté fût demeurée ferme au fond de mon cœur, m’avoient fait