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LIVRE DEUXIÈME.

que le point du jour, et le soleil n’envoya toute lumière à son esprit qu’à la fête de l’Assomption de la Vierge, pour laquelle elle avait toujours eu une vive dévotion. Elle souhaita dès lors de mettre son âme entre les mains de M. de Saint-Cyran pour qu’il lui apprît ces voies simples et droites de la Pénitence qu’elle avait méconnues. Le jour de Saint-Louis 1636, elle se décida à lui écrire une lettre humiliée, où elle s’exprime en vraie criminelle : «… Vous êtes libre de me refuser, mais je ne le suis pas de me retirer ; et vous me commanderez de le faire auparavant que je cesse de vous importuner… Je sais que Dieu me peut sauver ; mais quelle obligation a-t-il de faire ce miracle ? J’adore le jugement qu’il fera de moi avec tremblement et tranquillité …» Tremblement et tranquillité ; c’est le double mot qui exprime déjà toute la doctrine pratique de M. de Saint-Cyran, ce sont, en quelque sorte, les deux pôles de la Pénitence, telle qu’il l’impose aux âmes.

M. de Saint-Cyran, supplié de la sorte, ne se rendit pas aussitôt ; afin de la mieux éprouver dans son changement, il fut six mois sans lui accorder de l’entendre ; elle persévérait à demander. Enfin, au commencement de l’année 1637, la veille de la Purification de la Vierge, il la vit pour la première fois, et lui dit tout d’abord ces paroles :

(Mais une remarque préliminaire encore : qu’on ne s’étonne pas trop du ton, et qu’on veuille penser à ce qu’est un Directeur qui croit jusqu’au fond des entrailles à l’efficace du sacrement : quelle responsabilité, quelle investiture de puissance au nom de Dieu ! Ces paroles qu’on va lire ont été recueillies tombantes et comme tonnantes de sa bouche dans l’exercice même du sacrement de la Pénitence, pendant qu’il confessait cette âme, c’est-à-dire qu’il proférait sur elle l’ordre de Dieu. Qu’on n’y voie pas orgueil individuel, mais autorité de