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PORT-ROYAL.

M. de Saint-Cyran, était allé en témoigner sa douleur à M. de Barcos, alla également, lors de la délivrance, féliciter l’un des premiers son ancien ami. Après cela, assista-t-il ou non à l’enterrement de M. de Saint-Cyran, et jeta-t-il seulement de l’eau bénite sur son corps ? ç’a été matière à une dispute acharnée ; ce qui est certain, c’est que, s’il le put, il y assista. Mais qu’il est triste de voir de saintes mémoires ainsi tiraillées au gré des passions ! Abelly, le moelleux Abelly raillé par Boileau, et qui fut le premier biographe de Vincent de Paul, les Jésuites depuis dans leurs Mémoires de Trévoux, le Père Daniel dans sa Lettre à une Dame de qualité. Collet dans sa nouvelle Vie de saint Vincent, ont étrangement et, j’oserai dire, odieusement abusé de l’autorité acquise à la vertu du vénérable Bienheureux, pour charger la doctrine et le nom de Saint-Cyran[1]. M. de Barcos, informé de près et incapable de mentir, avait établi les faits précis dans sa Défense de M. Vincent contre M. Abelly. Mais ce que M. de Barcos, tout au détail

  1. Le désir d’être impartial, la vivacité même que j’ai mise et que je mettrai encore à qualifier le procédé des adversaires, vivacité dont je ne me repens pas, mais qui peut bien être disproportionnée avec mes convictions théologiques habituelles, le respect enfin que je ressens et que je n’ai aucune raison de dissimuler pour quelques membres savants de la Société actuelle de Jésus, m’ont engagé à publier en Appendice, à la fin de ce volume, une Dissertation que le Révérend Père de Montézon a composée en réponse à cette partie de mon ouvrage et qu’il m’a fait l’honneur de m’adresser. On y trouvera des pièces nouvelles et peu connues ; on y verra de quelle manière les Jésuites de nos jours envisagent et traitent cette question du Saint-Cyranisme. On y approuvera du moins un ton de parfaite modération et de convenance, dont ces sortes de contestations ne nous ont guère offert l’exemple dans le passé. — J’ai à regretter que, depuis lors, on ne se soit pas tenu dans les mêmes termes, et que la trêve de charité et de courtoisie, instituée par le Père de Montézon, ou, si c’est trop dire, que du moins cette forme modérée de combat ait cessé d’être observée si peu de temps après sa mort.