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PORT-ROYAL.

faisais pas cours, et jusqu’à trois heures les jours où je professais. Ma leçon était de trois à quatre heures. J’en faisais trois par semaine, et le nombre total des leçons fut de quatre-vingt-une. Tout l’ouvrage fut construit et comme bâti durant cette année scolaire (1837-1838).

Lorsque j’arrivai dans cette bonne, honnête et savante Académie de Lausanne, M. Porcbat, le futur traducteur de Goethe, était recteur et chargé de la chaire de langue et de littérature latines ; M. Monnard, mort depuis professeur à l’Université de Bonn, était professeur de littérature française ; M. Vinet venait d’être nommé professeur d’Homélitique (ou Éloquence sacrée) et de Prudence pastorale (Directions aux étudiants de théologie sur la vie de pasteur). Il y avait encore M. Dufournet, professeur d’exégèse et d’hébreu ; M. Herzog, professeur d’histoire ecclésiastique ; M, André Gindrez, professeur de philosophie, et membre en même temps du Conseil d’Instruction publique dont il était l’âme. M. Juste Olivier, mon ami, donnait un cours d’histoire.

J’entre dans ces détails et je rappelle ces noms, parce qu’il a été fait depuis des tableaux un peu fantastiques de cette réunion de professeurs, et l’on y a introduit des noms illustres ou connus qui n’ont figuré sur la liste que plus tard[1].

M. Vinet était donc lui-même, si j’ose dire, un nouveau venu dans l’Académie de son pays natal. Il y avait été appelé de Bâle où il était comme exilé en pays allemand, et où il professait depuis des années, à l’usage de la jeunesse locale, une littérature française des plus élevées, des plus fines et qu’eût certes enviée Paris. Un homme bienveillant et fort savant, mais qui écrit un peu

  1. Voici, par exemple, sur quel ton le prend un savant rédacteur de la Revue des Deux Mondes, qui a à parler de ces mêmes choses : « Vinet ne pouvait rester toujours à Bâle ; un peu plus tôt, un peu plus tard, il était inévitable que Lausanne réclamât son enfant. Ce moment arriva en 1837. L’Académie de Lausanne avait été réorganisée avec éclat ; des hommes distingués, MM. Monnard, Vulliemin, Secrétan, Chappuis, Olivier, y enseignaient les lettres et la philosophie ; l’illustre poète Miçkieiwicz y avait déjà inauguré l’étude des littératures slaves, et M. Sainte-Beuve allait y déployer son histoire de Port-Royal. Vinet fut chargé de la théologie pratique : le 1er novembre 1837, il fut installé dans sa chaire par le président du Conseil d’État et par le recteur de l’Académie. Ce jour-là même, l’élite de la société vaudoise étant présente, il exposa le plan et la portée de son enseignement. » (Revue des Deux Mondes du 15 janvier 1864.) Autant de mots, autant d’erreurs. M. Vulliemin, historien distingué de la Suisse et continuateur de Jean de Muller, n’a jamais professé à l’Académie ; il n’a enseigné qu’au Gymnase, et depuis 1838 seulement. M. Secrétan, le futur philosophe, était encore un élève en 1837. M. Samuel Chappuis, également, n’est devenu professeur (de théologie) que plus tard. L’illustre poète Miçkiewicz ne vint enseigner à Lausanne qu’après moi, et ce fut moi-même, s’il m’en souvient, qui, à l’un de mes retours à Paris, me trouvai porteur des propositions qui lui étaient faites. Il n’enseigna nullement à Lausanne les littératures slaves ; il remplaça simplement M. Porchat dans l’enseignement du latin.