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PORT-ROYAL.

et que le plaisir qu’on prend aux belles choses soit une preuve de corruption. Pourtant la théorie qu’il raille si à l’aise, et dans un exemple commode, a de la profondeur ; c’est celle d’Augustin, de bien des grands Chrétiens. Il y faudrait opposer des raisons puisées dans le Christianisme même, quand on est Chrétien, ou du moins dans la nature humaine, si l’on tranche du philosophe. Mais point ; c’est déjà ici, chez l’auteur jésuite, la manière de Voltaire, la raillerie badine et qui court, un faux air du même goût libre et dégagé. Quelques Jésuites, gens du monde, et le Père Bouhours en particulier, bien qu’il fût un peu trop bel-esprit et trop amoureux de devises, avaient assez, dès le dix-septième siècle, cette fleur agréable et prompte, cette pointe fine et légère que Voltaire, élève du Père Porée, posséda si bien et marqua de son nom : inscripti nomina regum.

Fénelon, en cela comme en bien des points, opposé au goût plus inexorable de Bossuet dont la Poétique diffère moins de celle de Saint-Cyran, Fénelon, dans son admirable Lettre à l’Académie française, a trouvé moyen, sans approfondir aucune de ces questions, et en ne suivant aussi que le goût courant de sa plume heureuse et de son souvenir ému, de tracer une sorte de Poétique charmante, toute remplie et comme pétrie du miel des Anciens, et d’y citer même Catulle pour sa simplicité passionnée. De tels ménagements ne sont qu’à lui. Mais nous voilà, ce semble, bien loin de Jansénius, et en effet ; pour cette fois, nous en avons très réellement fini.