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LIVRE DEUXIÈME.

préservatif de précaution, les opuscules de saint Augustin concernant la Grâce ; il n’exerçait d’ailleurs, à cette époque, aucune direction habituelle sur lui. La thèse appelée Tentative que soutint Arnauld pour être bachelier en novembre 1635, et qui eut de l’éclat, se ressentit de cette lecture de saint Augustin et put faire sourciller M. Lescot. Le nouveau bachelier se disposa, par un redoublement d’étude, à gagner les grades supérieurs ; il fut admis à loger en Sorbonne (hospes Sorbonicus) et entra en licence à Pâques 1638. Pourtant il menait, quant au reste, une vie relativement mondaine : il était recherché de mise ; il faisait rouler le carrosse à Paris, nous dit Fontaine ; il avait des bénéfices considérables et des dignités dans les églises cathédrales. Ses graves amis enfin gémissaient tout bas de ses faiblesses ; ses neveux les Ermites l’appelaient dans leurs prières, le demandaient sans cesse à Dieu.[1]

  1. Quand le bon Fontaine parle des bénéfices et des dignités dans les églises cathédrales dont aurait joui irrégulièrement le jeune Arnauld, il est pourtant un peu inexact, comme cela lui arrive quelquefois, écrivant de mémoire. Il veut parler d’une Chantrerie et d’un Canonicat à Verdun, que lui fit offrir son cousin M. de Feuquières, gouverneur de la place. Mais on voit, par deux lettres d’Arnauld à madame de Feuquières, qu’il refusa d’abord sans hésiter cette Chantrerie, étant déjà sous la direction de M. de Saint-Cyran ; et la mère Angélique, écrivant à M. d’Andilly, les 11 et 3 octobre 1639 : « Le petit frère est bien fâché contre vous, dit-elle, de ce que vous ne l’avez pas averti de ce qu’on fesoit pour cette Chantrerie. Le pauvre enfant est bien embarrassé, car il n’en veut pas, et il a raison… Ç’a toujours été son intention de refuser. Il avoit seulement peine de fâcher M. de Feuquières. » Il n’accepta ensuite que sur l’insistance du Chapitre, et d’après l’avis formel de M. de Saint-Cyran. C’était, au reste, alors une grande dignité que celle de Chantre. Le Prélat du Lutrin n’est que le supérieur d’un degré et le rival du Chantre. On voit cette importance dans une phrase d’Arnauld à sa cousine : « … Et je vous supplie très-humblement de croire que, comme pour n’être pas