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PORT-ROYAL.

romans » — «Passi détestables,» répondit le bonhomme en se redressant. Quoi qu’il en soit des termes mêmes, Dodart rapporte qu’il fut relevé très-rudement et qu’il en resta tout scandalisé. Il y a de ces reproches qu’on ne prend bien que de soi seul, parce que seul on y sait mettre l’accent.[1]

Le grave et cérémonieux Chapelain, dont on a vu précédemment la liaison avec M. Le Maître, entra dans une sorte de relation littéraire avec Port-Royal par le canal de M. d’Andilly, qui lui envoyait exactement ses ouvrages. Chapelain l’en remerciait chaque fois avec

  1. Jusque dans la Préface historique qu’il a placée en tête des Mémoires du duc de Nevers (1665), il faut voir avec quelle complaisance Gomberville vieilli s’étend sur ce chapitre d’autrefois, comme il insiste sur les ordres des grandes dames et princesses qui le firent retomber à différentes reprises dans la maladie des romans, et qui, de retouche en retouche, l’obligèrent à mettre son héros, son conquérant imaginaire, « en l’état où tout le monde l’a vu.» — Je ne sais pourquoi l’estimable auteur d’une Histoire de la Littérature française (1852), M. Géruzez, appelle Polexandre « un roman édifiant, dont les héros raisonnent sur la Grâce à la manière de Jansénius et de Saint-Cyran. » La première édition de ce roman (l’Exil de Polexandre) est de 1629, et la seconde, revue et augmentée, en 5 volumes, est de 1637 : il ne pouvait y avoir de roman janséniste avant qu’il y eût un Jansénisme, et le digne M. de Gomberville n’était pas homme à devancer, en quoi que ce soit, la mode et le temps. On ne trouve en effet dans Polexandre, au milieu d’un ramas d’aventures incroyables et insipides, que des lieux communs de morale, et parfois de morale religieuse, mais sans aucun cachet particulier. Ce n’est que dans la Jeune Alcidiane, dont la première partie seule parut et fut publiée en 1651, que l’on trouverait (averti que l’on est d’ailleurs par Tallemant) quelques traces du jansénisme de l’auteur. Il y entrelarde le roman d’un peu de sermon. On y voit, dans une certaine île du Soleil, un grand-prêtre devenu solitaire, que le monde estime tombé en frénésie, et qui n’est atteint que de la belle et divine folie des saints. Ce grand-prêtre tient des discours sur le peu de liberté de l’homme déchu, dans le sens de Jansénius, et il ajourne ses pénitents ou consultants, il les renvoie jusqu’à l’heure marquée par la Grâce, selon la méthode de Saint-Cyran. Ou y voit encore, dans une autre lie, un ermite, Pacôme, qui, dans ses discours