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PORT-ROYAL.

line conçut le dessein d’être religieuse à Port-Royal. Elle communiqua cette pensée à son frère, qui, bien loin de l’en détourner, l’y confirma, étant alors dans la ferveur des mêmes sentiments. Comme pourtant ni l’un ni l’autre n’avaient de connaissance directe avec Port-Royal, ils s’adressèrent à M. Guillebert, qui présenta mademoiselle Pascal à la mère Angélique, et elle entra sous la direction de M. Singlin. Celui-ci reconnut en elle tous les caractères d’une vocation louable ; il ne s’agissait plus que de décider son père. M. Pascal revint à Paris en mai 1648; le Parlement exigeait la révocation générale des intendants ; ses services furent récompensés ensuite par la Cour d’un brevet de Conseiller d’État. Sitôt qu’il apprit la résolution de sa fille, il se sentit en une grande perplexité : il était entré, il est vrai, dans les maximes du véritable Christianisme, mais ses entrailles de père parlaient, comme nous l’avons vu dans le temps chez M. Arnauld l’avocat ; et elles parlèrent si vivement qu’il finit par y céder, et par tomber en mécontentement et méfiance de son fils qui avait fomenté le désir de sa sœur. Il déclara ne pouvoir consentir à cette entrée en religion, ne pouvoir, tant qu’il vivrait, se séparer de sa fille ; qu’elle vécût chez lui de la manière dont elle l’entendrait, mais qu’elle attendît sa mort pour faire davantage.

Mademoiselle Pascal vécut donc, durant les années qui suivent, dans une vraie contrainte, ne communiquant avec M. Singlin et avec les Mères de Port-Royal qu’en secret et à la dérobée. Elle y mettait, est-il dit naïvement, une adresse admirable. On a les lettres (manuscrites[1]) qu’elle recevait de la mère Agnès particulièrement ; elles sont belles de pensée, de prudence,

  1. Bibliothèque du Roi, Oratoire, 206. — Elles ont été publiées depuis.