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LIVRE DEUXIÈME.

comme M. de Grasse, comme l’évêque de Dardanie, M. Coëffeteau.

Dans les lettres à Chapelain, j’en trouve une entière sur M. de Saint-Cyran qu’on venait d’arrêter,[1] et qui n’a jamais été relevée ; elle est remarquable pour nous après le jugement que nous tenons de la bouche même de M. de Saint-Cyran sur Balzac : c’en est la contrepartie. Enregistrons le témoignage :

«Ma curiosité est satisfaite, et vous m’avez fait grand plaisir de me mander ce que vous saviez de l’affaire des prisonniers. On a eu peur, à mon avis, que l’Abbé voulût faire secte et qu’il pût devenir hérésiarque. Je ne parle pas de ces hérésies charnelles et débauchées, comme celles de Luther et de Calvin,[2] mais de ces hérésies spirituelles et sévères comme celles d’Origène et de Montanus. J’aurois à vous dire beaucoup de choses sur ce sujet si nos lettres se pouvoient changer en conversation ; … je ne laisserai pas pourtant de vous dire quelque chose. Cet homme est véritablement une personne extraordinaire ; grand théologien, grand philosophe, et aussi abondant en belles pensées que j’en vis jamais.[3]

  1. Elle est datée inexactement et doit être, non de Janvier 1638, mais sans doute de Juillet, M. de Saint-Cyran ayant été arrêté en mai. Chapelain, par une lettre du 18 mai, en avait annoncé la nouvelle à Balzac en ces termes :
    « Vendredi dernier, ensuite de la prise du Père Seguenot dans l’assemblée de Saumur pour être renfermé dans le château de la même ville, M. de Saint-Cyran, l’un de vos héros, a été arrêté et mis dans le Bois de Vincennes, vraisemblablement pour le soupçon des mêmes opinions que l’on a désapprouvées dans le livre de l’autre. Tous ses manuscrits et travaux de quarante ans sur tous les Pères ont été enlevés et portés, comme je crois, chez M. le Chancelier. J’apprends qu’il a reçu l’ordre du Roi avec grande modestie, et qu’il se comporte dans la prison de la même sorte que s’il étoit en liberté. Les partisans du Père Sirmond disent que c’est le châtiment que méritoit Petrus Aurelius. »
  2. Balzac est perpétuellement odieux quand il parle des Protestants ; mais il faut lui pardonner comme ignorant le fond et ne voulant que paraître sujet fidèle.
  3. Ceci se rapporte assez exactement à un passage de Lancelot sur Balzac (Mémoires, tome II, page 102) : « On trouvera, si on y